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Sonja Henie : reine de la glace

 

 

Sonja Henie, la plus grande patineuse artistique de tous les temps.

Certains semblent être nés sous une bonne étoile, avec une cuillère en argent dans la bouche. C’était le cas de la plus grande patineuse artistique de tous les temps, Sonja Henie. Une blondinette menue dont le palmarès sportif reste inégalé : elle fut triple championne olympique (1928, 1932 et 1936), dix fois championne du monde (de 1927 à 1936), et reçut six médailles d’or aux championnats d’Europe (de 1931 à 1936) — seule l’Allemande Katarina Witt détient le même nombre de trophées pour cette dernière compétition (entre 1983 et 1988)…

Un talent inné pour la glace

Riche dès le berceau, Sonja Henie le resta jusqu’à son décès prématuré en 1969, grâce à son sens aigu des affaires et son manque de scrupules en termes d’accointances plus ou moins avouables. Née le 8 avril 1912 à Oslo, la future reine de la glace était la seule fille d’un fourreur très fortuné, Wilhelm, ancien champion du monde de cyclisme sur piste en 1894. Douée pour le ski, elle laissa pourtant tomber les pistes pour la patinoire, suivant les « carres » de son frère Leif.

Athlétique, Sonja excellait aussi au tennis, à l’équitation et à la natation. La fortune de sa famille aidant, elle ne manqua de rien pour développer son talent inné pour la glace. Son père ne lésina pas sur la dépense pour faire de sa fille une star des patinoires, lui octroyant même les services d’une danseuse classique russe, l’étoile Tamara Karsavina, qui fit partie notamment des Ballets Russes de Serge Diaghilev.

Aux JO à onze ans !

L’ambition sportive de Sonja se matérialisa très rapidement ; dès dix ans, elle remporta sa première grande compétition nationale, et à onze ans, elle termina dernière (huitième sur huit) des Jeux Olympiques d’hiver de 1924. À quatorze ans, elle remporta ses premiers championnats du monde, en 1927 et fut consacrée sur la première marche du podium les neuf années suivantes ! Extrêmement populaire pendant toute sa carrière sportive, et ce dans de nombreux pays, Sonja Henie fut sans doute la première patineuse à porter une jupette, à chausser des patins de couleur blanche, et à chorégraphier ses apparitions à l’aide de pas et de gestes empruntés à la danse classique. La voici en 1928, juste après les Jeux Olympiques.

En 1936, après son dernier triomphe aux Jeux Olympiques d’hiver, en Bavière, Sonja Henie devint professionnelle et commença à se produire dans des spectacles sur glace sophistiqués. Il était enfin temps pour elle d’atteindre son objectif ultime, nourri depuis l’enfance : devenir une star de cinéma. Hollywood, nous voilà ! À l’occasion d’un show sur glace à Los Angeles, et moyennant l’influence (sonnante et trébuchante ?) de Wilhem Henie, Darryl F. Zanuck, le patron de la 20th Century Fox, engagea la jeune sportive pour un contrat de longue durée. Sonja devint même l’une des actrices les mieux payées de l’époque !

 

Sonja Henie, star d’Hollywood

Son premier film, One in a million, fut un triomphe, octroyant à la jeune femme plus de latitude dans ses négociations avec le studio, notamment pour contrôler totalement l’ensemble des scènes de patinage de ses films. Celle qui tourna onze films en douze ans fut même élue en 1939 actrice la plus populaire, derrière Clark Gable et Shirley Temple. Excusez du peu ! Le succès de Sonja sur la glace et devant les caméras popularisa grandement le patinage artistique et les spectacles sur glace aux États-Unis.

Avec son producteur Arthur Witz, la patineuse/actrice se produisit pendant les années 1940 dans de somptueux spectacles dans toutes les grandes villes américaines — la voici en 1945 dans toute sa splendeur, et en couleur. L’argent ne fait pas le bonheur ? En tout cas, il n’empêche pas de boire… Un peu trop portée sur la bouteille, Sonja Henie mit fin à sa carrière en 1956, après une tournée désastreuse en Amérique du Sud.

Invitée par Hitler au Berghof

Mariée trois fois, la star norvégienne défraya la chronique en raison d’accusations de sympathie envers la cause nazie. Il faut dire qu’il existait de nombreux indices à charge… Adolf Hitler lui-même était un grand fan de celle qui se produisit souvent en Allemagne pendant sa carrière amateur. En 1936, quelque peu avant les Jeux Olympiques, une photographie de la jeune femme la montra exécutant le salut nazi pour le Führer à Berlin. La presse norvégienne s’en offusqua avec vigueur.

À l’issue de la compétition, Sonja accepta pourtant une invitation à déjeuner au Berghof, la résidence secondaire de Hitler, près de Berchtesgaden. Le dictateur nazi lui offrit un cliché de lui dédicacé, qui, selon certaines rumeurs, trôna sur le piano familial des Henie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Des accointances avec Goebbels

En outre, c’est grâce à ses liens privilégiés avec les nazis, et notamment Joseph Goebbels, que Sonja Henie put voir son premier film, One in a million, sortir sur les écrans allemands. Bizarrement, les biens des Henie ne furent jamais l’objet de la convoitise des Allemands pendant l’occupation allemande. Et même si Sonja Henie obtint la nationalité américaine en 1941, et soutint l’effort de guerre de l’Oncle Sam, elle se garda bien de dire quoi que ce soit contre les nazis ni de prendre le parti des résistants norvégiens. Ses compatriotes — restés au pays ou immigrants aux États-Unis — lui en voulurent longtemps. Cependant, les gens ayant la mémoire courte ou étant particulièrement indulgents, elle fit un retour triomphal au pays en 1953 puis en 1955, avec sa tournée Holiday on Ice.

Une fin aérienne

Souffrant d’une leucémie, diagnostiquée au début des années 1960, Sonja Henie succomba le 12 octobre 1969 dans un vol Paris-Oslo, à l’âge de cinquante-sept ans. C’était l’une des femmes les plus riches du monde, mariée depuis 1956 à un armateur et collectionneur d’art moderne norvégien, Niels Onstad. Leur collection est rassemblée au Centre d’art Henie-Onstad, à une dizaine de kilomètres d’Oslo. L’occasion d’admirer tous les trophées de cette femme ambiguë et ambitieuse.