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Kebab

Ennemi du diététiquement correct et concurrent le plus sérieux du hamburger dans la course au podium de la malbouffe, le kebab, ce sandwich si populaire, a des origines étymologiques mêlées de turc et d’arabe. Et une histoire encore plus alambiquée.
Le mot « kebab » vient de l’arabe
Au commencement, c’est-à-dire au plus tard au XIe siècle, le mot « kebab » fit son apparition dans l’empire ottoman quand des soldats décidèrent de faire cuire de la viande en l’embrochant sur leur épée. C’est en tout cas ce que dit la légende. Ce qui est sûr, c’est que ce terme signifie « viande rôtie » et nous vient de l’arabe kabāb, qui désigne également une « boulette » ou encore une « brochette de viande ».
Au XIXe siècle, des vendeurs ambulants proposaient dans les rues des villes et des villages de l’empire ce plat, devenu national. Les gourmets appréciaient tout particulièrement la cuisson au charbon.
Une idée culinaire folle
Au départ donc, pas de pain ni de sauce à l’horizon dans le kebab, encore moins de frites. Surtout, la viande, traditionnellement de mouton, était cuite à l’horizontale et servie dans une assiette. Mais à la fin du XIXe siècle, un cuisinier eut un jour une idée folle : pourquoi ne pas retourner la broche et griller verticalement la barbaque ? Aussitôt dit, aussitôt fait, cette fantaisie culinaire devint la marque de fabrique du kebab !
Il ne restait plus qu’à mettre les lamelles de viande entre deux tranches de pain… Qui eut cette brillante illumination ? La bataille autour de l’identité du père fondateur du döner — mot turc qui signifie « tournant » — kebab fait encore rage. Seuls le lieu et la date de cette invention font l’unanimité : l’Allemagne de la fin des années 1960 ou du début des années 1970.
Une paternité nébuleuse
Et bien entendu, l’origine turque du Bocuse du sandwich ne fait pas débat. La migration ottomane chez nos voisins d’outre-Rhin s’est ainsi notamment traduite par l’introduction de son plat national dans les estomacs teutons, faisant concurrence aux saucisses et autres variations autour du chou et de la pomme de terre. En tout cas dans les grandes villes, dont Berlin.
Ainsi, en 1971, un certain Mehmet Aygün, employé dans le restaurant berlinois de son oncle, eut un éclair de génie en proposant de placer la fameuse viande grillée, décorée de quelques feuilles de salade, dans un pain de type pita. Il recouvra le tout d’une sauce blanche de sa confection et le tour était joué !
Pour la petite histoire, le cuistot inventif déposa un brevet. Et sa famille fit fortune. Aujourd’hui, elle compte, outre des restaurants à Berlin, une chaîne d’hôtels, Titanic, dont un établissement de luxe à Antalya.
Des millions de kebabs ingurgités
Mais patatras, en 2011, l’Association des fabricants turcs de kebab désavoua Mehmet Aygün en célébrant le génie de Kadir Nurman, qui aurait en fait inventé le fameux sandwich, toujours à Berlin, mais en 1972 ! Cet imbroglio carnassier n’est pas fini. L’année suivante, un certain Nevzat Salim fit une déclaration fracassante : c’est lui, le père du döner kebab ! Il aurait eu cet éclair de génie en 1969 à Reutlingen, dans le Bade-Wurtemberg.
Au final, si la paternité du sandwich reste un mystère, son succès, lui, ne fait aucun doute. Et qu’on l’appelle « grec », « gyros » ou encore « chiche-kebab » ne change rien à l’affaire ! Servi avec de la salade, des frites et divers accompagnements comme une sauce au yaourt, du piment, voire du houmous, le döner kebab remporte tous les suffrages et n’a rien d’un mets consommé en loucedé : on en ingurgiterait trois cent cinquante millions par an en France, le soi-disant pays de la gastronomie…