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Jayne Mansfield, vie et mort en Technicolor

 

 

Vous aimez les (fausses) blondes à (vraie) forte poitrine ? Cette actrice « larger than life », qui toute sa courte vie durant rêva de détrôner Marilyn Monroe — on la surnommait « The Working Man’s Monroe » — de sa place de sex-symbol, devrait vous plaire. En dépit d’un QI qu’elle disait en toute modestie très élevé (163), sa réputation de « blonde idiote » la poursuivit jusque dans la mort. Mariée trois fois, mère de cinq enfants, Jayne Mansfield était dotée d’atouts physiques hors normes : 102 à 117 cm (selon les sources) – 53 cm – 89 cm, pour 1,73 m. Ses airbags 100 % naturels ne l’aidèrent cependant pas à éviter la mort dans un accident de voiture particulièrement impressionnant, à seulement trente-quatre ans. Une fin horrible qui la propulsa dans le firmament des stars inoubliables de Hollywood.

Le loup de Tex Avery

Vera Jayne Palmer, fille unique d’Herbert et de Vera William, vit le jour le 19 avril 1933, à Bryn Mawr, en Pennsylvanie. Un beau bébé de… 4,5 kg ! Sa jeune existence fut marquée par un drame indélébile dès l’âge de trois ans. Herbert, un avocat, mourut d’une crise cardiaque à trente-deux ans alors qu’il était au volant, accompagné de sa femme et de leur petite fille. Devenue veuve, Vera, qui était institutrice, reprit le chemin de l’école pour subvenir aux besoins de la famille. Trois ans plus tard, elle se remaria avec un ingénieur commercial, Harry Lawrence Peers, et la famille déménagea à Dallas.

Rêvant de devenir la nouvelle Shirley Temple, Vera Jayne grandit donc au Texas. Très bonne élève, elle obtint son diplôme de fin d’études (« graduation diploma ») dès 1950. Loin de rêver de devenir femme au foyer, la jeune fille, dont les atouts physiques transformaient tous les mâles en loup de Tex Avery, voulait devenir actrice, de préférence célèbre. Seulement à dix-sept ans à peine, elle fut contrainte de convoler en justes noces avec Paul James Mansfield, un étudiant de dix-neuf ans. Il y avait en effet un polichinelle dans le placard… Leur fille, Jayne Marie Mansfield naquit en novembre 1950.

Du Texas à la Californie

Même si Paul aurait aimé que sa jeune épouse reste docile et se contente d’une vie de famille loin des projecteurs, Vera Jayne refusait de s’asseoir sur ses rêves de grandeur. Cette dernière suivit des études d’art dramatique au Texas, tout en cumulant les petits boulots pour financer son éducation et apporter un peu d’argent au ménage. Elle fut ainsi tour à tour modèle pour artiste, vendeuse de livres en porte-à-porte, ou encore réceptionniste dans une école de danse.

En 1952, elle devint l’élève du père de Sidney Lumet, Baruch, qui lui donna même des cours particuliers, car il lui trouvait du potentiel. Elle joua ainsi dans Mort d’un commis voyageur dirigé par son professeur. Paul étant appelé sous les drapeaux, en Corée, la famille déménagea en Géorgie, à Camp Gordon, pour un an. Puis en 1954, ils partirent enfin pour la Californie pour aider Jayne à lancer sa carrière. La jeune femme reprit ses cours d’art dramatique, cette fois à l’UCLA pendant l’été. Elle obtint de bons résultats, tout en continuant les petits boulots : photographe dans un restaurant ou encore mannequin pour l’agence Blue Book Model, celle-là même où Marilyn Monroe avait débuté à la fin des années 1940. C’est à cette époque que la brune teignit ses boucles en blond. Sûre de son pouvoir de séduction, Jayne appela directement la Paramount pour proposer ses services. Le studio l’invita à faire un bout d’essai en… Jeanne d’Arc. Bizarrement, la peroxydée ne convainquit personne.

Nue dans Playboy

En 1955, son agent publicitaire lui dégota une place dans un avion pour la Floride où allait se tenir la première d’Underwater, un film d’une autre actrice au tour de poitrine avantageux, Jane Russel. Installée au bord de la piscine, Jayne, serrée dans un bikini rouge trop petit, sauta dans l’eau devant les photographes. Son haut craqua, comme par hasard… Soudain, plus personne ne se préoccupa de Jane Russell : tous les flashs crépitaient sur le buste de Jayne Mansfield, que cette dernière tentait de cacher d’un air faussement pudique. Ce premier « coup » publicitaire, prémisse de nombreux autres, qui allaient devenir sa marque de fabrique, lui valut un contrat avec Warner Bros, avec un salaire hebdomadaire de 250 dollars (2 000 dollars en 2015). En février de la même année, Jayne posa nue dans Playboy, première séance photo d’une longue série. L’exhibitionnisme et le culot de sa femme plaisaient de moins en moins à Paul Mansfield. Le couple finit par divorcer en octobre 1956 et la procédure fut finalisée en janvier 1958. Jayne conserva cependant le patronyme de son mari.

Nouvelle poule aux œufs d’or

Grâce à son contrat avec la Warner, Jayne joua dans trois films. Des petits rôles qui ne la satisfirent pas, car loin de faire d’elle la superstar qu’elle ambitionnait de devenir. L’actrice engagea un avocat pour casser le contrat. Elle interpréta alors un rôle dramatique dans un film indépendant, The Burglar, avant que son agent ne décroche pour elle le premier rôle dans la pièce Will success spoil Rock Hunter ? : celui de Rita Marlowe, fortement inspiré de Marilyn Monroe. Le spectacle fut couronné de succès, avec près de quatre cent cinquante représentations à Broadway entre 1955 et 1956. Ce rôle apporta enfin à Jayne popularité et reconnaissance médiatique. The Burglar sortit opportunément en 1957.

Alors qu’elle triomphait à New York, Jayne Mansfield regagna Hollywood en mai 1956, la 20th Century Fox lui proposant un contrat de six ans. Le studio de Marilyn Monroe était fatigué des frasques de sa vedette, partie sur la côte Est tourner des films indépendants avec sa propre maison de production. Pour se venger d’elle, la Fox voulait lui montrer qu’elle était facilement remplaçable. Premier film, premier succès : The Girl Can’t Help It, de Frank Tashin, avec Tom Ewell — le partenaire de Marilyn dans Sept ans de réflexion — et des stars de la musique comme Gene Vincent, Eddie Cochran, Fats Domino, The Platters ou encore Little Richard. Le film sortit en décembre 1956 et apporta au studio un succès à la fois critique et financier, l’un des meilleurs de l’année. La Fox voulant garder sa nouvelle poule aux œufs d’or pour elle tout seul racheta le contrat de Broadway de Jayne Mansfield pour 100 000 dollars (près de 900 000 dollars en 2015).

Un steak et un homme

Avec le succès vint aussi l’amour. En 1956, Jayne fit la rencontre de l’homme de sa vie, le culturiste et acteur Mickey Hargitay, qui avait quitté sa Hongrie natale en 1947, à vingt et un ans, et fut consacré Monsieur Univers en 1955. En le découvrant sur scène dans une revue du sex-symbol vieillissant Mae West à Broadway, Jayne aurait dit à un serveur qui prenait sa commande : « Un steak et cet homme sur la droite. » La rivalité avec l’ancienne star hollywoodienne fit long feu : Jayne avait quarante ans de moins…

Souhaitant se défaire de son image de blonde idiote, l’actrice accepta en 1957 un rôle dans The Wayward Bus (Les naufragés de l’autocar), une adaptation d’un texte de John Steinbeck. Sa performance lui valut un Golden Globe pour « nouvelle star de l’année », devant Natalie Wood et Carroll Baker. Puis Jayne reprit son rôle légendaire de Rita Marlowe dans l’adaptation cinématographique de Will success spoil Rock Hunter ?, de Frank Tashlin, avec Tony Randall et Joan Blondell. Mickey y tint aussi un petit rôle. Pour promouvoir le film et étendre sa suprématie de nouvelle blonde à la mode, l’actrice s’engagea dans une tournée promotionnelle de quarante jours dans seize pays d’Europe. La première à Londres eut lieu en présence de la reine Elizabeth II, à qui elle fut présentée à l’occasion.

 

Bienvenue au Pink Palace

Au retour de sa tournée, en novembre, Mickey demanda Jayne en mariage. Ayant hérité de son grand-père maternel, la jeune épouse acheta début 1958 une propriété de quarante pièces à Beverly Hills, qu’elle fit peindre en rose du sol au plafond : des chérubins illuminés par des spots fuchsia, une baignoire rose en forme de cœur, tout comme la piscine, sans oublier une fontaine à champagne… rosé. Elle surnomma son nid d’amour le « Pink Palace » et pour couronner le tout, acheta une Cadillac, elle aussi rose. Pour son deuxième mariage, en janvier 1958, Jayne choisit une robe de mariée en sequins forcément roses, et but du champagne rosé.

Partout où il passait, le couple Hargitay faisait sensation. Avec Mickey, Jayne avait trouvé son meilleur allié pour se faire de la publicité. Surnommés Jane et Tarzan, les tourtereaux se donnaient souvent en spectacle pour figurer dans les journaux, jouant sur les excès et leur physique hors normes. Les muscles saillants et huilés, Mickey portait ainsi souvent à bout de bras Jayne, vêtue d’un bikini à motif léopard et faisant sa moue la plus séduisante. Durant les cinq années de leur mariage, ils apparurent régulièrement ensemble à la télévision et se produisirent dans des cabarets et autres dancings. En décembre 1958, ils accueillirent leur premier enfant, Miklos Jr.

Des apollons à Las Vegas

De moins en moins persuadé qu’il tenait la remplaçante de Marilyn Monroe, le studio proposa à Jayne un rôle auprès du grand Cary Grant dans Kiss Them For Me (Embrasse-la pour moi). Le succès n’étant pas au rendez-vous, Jayne se tourna davantage vers la scène, se produisant souvent à Las Vegas, où elle chantonnait et dansait, entourée d’apollons. Elle gagna beaucoup d’argent ainsi. Enceinte de son second enfant avec Mickey Hargitay, Zoltan, qui allait naître en août 1960, elle se vit obligée de refuser un rôle aux côtés de James Stewart et Jack Lemmon. Son dernier succès public, The Sheriff of Fractured Jaw (La blonde et le shérif) de Raoul Walsh, sortit en 1959.

Pour remplir les conditions de son contrat, qui devait s’achever en 1962, la Fox prêta Jayne à des productions étrangères : deux polars de série B en Grande-Bretagne, tournés en 1959 et sortis en 1961 aux États-Unis, ou encore It Happened in Athens (1962), où elle tint un second rôle, même si son nom ornait le haut de l’affiche. Elle joua ensuite dans The George Raft Story, puis partit pour l’Allemagne et l’Italie tourner plusieurs films à petit budget.

Toute nue sur le grand écran

L’aventure de Jayne en 1962 avec un producteur italien, Enrico Bomba, mit un terme à son bonheur conjugal avec Mickey. L’année suivante, l’actrice tomba amoureuse d’un chanteur, Nelson Sardelli, et ne s’en cacha pas. Elle se mit même en tête de l’épouser après son divorce, qui fut prononcé au Mexique en mai 1963. Seulement, Jayne étant enceinte de leur troisième enfant, Mariska, elle prétendit être toujours mariée à Mickey pour sauver les apparences. Après la naissance de la petite fille, Mariska, en janvier 1964, le divorce fut officiellement validé en Californie.

En 1963, l’acteur et réalisateur Tommy Noonan proposa à Jayne Mansfield d’être la première actrice américaine à jouer nue dans Promises! Promises!. Playboy se rua sur le tournage pour relater cet événement, alors exceptionnel. Le film fut interdit à Cleveland, mais remporta un grand succès partout ailleurs aux États-Unis. Pour la récompenser, on lui proposa le rôle prévu au départ pour Marilyn Monroe dans Kiss me, stupid (Embrasse-moi, idiot) de Billy Wilder (1964). Mais elle fut obligée de refuser en raison de sa nouvelle grossesse, celle de sa seconde fille Mariska. Elle fut remplacée au pied levé par Kim Novak avec la réussite que l’on sait.

Cinq enfants à charge

À trente ans à peine, Jayne flirtait dangereusement avec la pente descendante. Sa relation avec un metteur en scène d’origine italienne, Matt Cimber, qui l’avait dirigée à Yonkers (New York) au théâtre dans la pièce Bus Stop — film dans lequel Marilyn avait triomphé en 1956 —, n’arrangea pas les choses. Les amoureux se marièrent en septembre 1964 au Mexique. Son nouveau mari prit la carrière de Jayne en main et lui conseilla notamment de faire Promises! Promises!. Mais il la battait. Jayne le trompa et commença à abuser sérieusement de l’alcool et des pilules pour maigrir. Toutes ces réjouissances menaçaient grandement l’équilibre déjà très fragile de leur mariage. Sans surprise, la séparation eut lieu en juillet suivant et Jayne demanda le divorce un an après. Elle obtint la garde de son cinquième enfant, leur fils Tony, né en octobre 1965, après s’être battue devant le juge.

Avec cinq enfants à charge, celle qui s’accrochait à son statut de star comme une moule à son rocher perdit peu à peu pied : son quotidien était rythmé par les bitures, les spectacles de « burlesque » — la version américaine du music-hall —, voire des inaugurations de supermarché et des spectacles dans des restaurants pour gagner sa vie. Jayne retrouva brièvement le chemin de Hollywood en 1966, dans Las Vegas Hillbillys, une série Z pour la Warner, avec Mamie Van Doren, un autre ersatz blond de Marilyn Monroe, puis en 1967 dans un A Guide for the Married Man, une série A pour la Fox. En juillet 1966, l’actrice se mit en ménage avec son avocat, Sam Brody, déjà époux d’une femme handicapée et père de deux enfants. Avec lui, la descente aux enfers devint vraiment réalité. Les scènes de ménage fortement alcoolisées se multiplièrent. Pour ne rien arranger, Sam frappa Jayne Marie, la fille aînée de Jayne, qui s’enfuit pour porter plainte. La presse en fit ses choux gras.

Trois morts, trois survivants

Le 28 juin 1967, Jayne se produisit à Biloxi (Mississippi) dans un restaurant, en remplacement de Mamie Van Doren, qui lui avait demandé cette faveur. Elle repartit après minuit avec Sam Brody et ses trois enfants Hargitay, ainsi que leur chauffeur de vingt ans. Direction La Nouvelle Orléans, où Jayne devait participer à une émission de radio le lendemain. Lorsque le véhicule s’arrêta dans une station-service pour prendre de l’essence, Jayne demanda à son fils de six ans, Zoltan, de passer à l’arrière, lui disant que ce serait plus sûr ainsi. Prémonition ? Vers 2 h 30 du matin, le véhicule, qui roulait à près de 130 km/h, s’encastra dans un semi-remorque, que le chauffeur n’avait pas vu. D’épaisses volutes d’anti-moustique projetées par un camion arrivant en face bouchaient en effet la vue. Les trois adultes, installés à l’avant, moururent sur le coup. Mais les trois enfants, qui dormaient paisiblement à l’arrière, eurent la vie sauve.

Presque au même âge que son père, Jayne périt comme ce dernier dans un accident de voiture. Bizarrement, sa fille Mariska avait le même âge que l’actrice quand celle-ci perdit son père Herbert. Une précision qui intéressera les amateurs de psychogénéalogie… Une légende urbaine abominable à propos de la mort de Jayne circula pendant des décennies : elle aurait été décapitée dans l’accident. En réalité, la perruque qu’elle portait fut projetée en avant, gisant dans le pare-brise en miettes, pris en photo par la police. À la suite de cette tragédie, la NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration) demanda que les semi-remorques soient tous équipés d’une barre anti-encastrement, surnommée parfois la « Mansfield bar ».

Jayne fut enterrée le 3 juillet 1967 en Pennsylvanie, en présence de Mickey Hargitay. Sa mort la rendit à jamais célèbre, presque plus que de son vivant. Aujourd’hui, sa fille Mariska, star de plusieurs séries télévisées américaines, perpétue la légende de sa mère.