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Espagnolette

 

 

Dans Le rouge et le noir (1830), Stendhal a mis en lumière l’espagnolette, ce système de fermeture qui fut d’abord une demoiselle espagnole, un ornement de bronze représentant un torse féminin, et même une étoffe très utile pour réaliser des doublures : « Un petit bruit sec se fit entendre ; l’espagnolette de la fenêtre cédait. »

Un instrument tombé en désuétude

Sans doute tout droit venue de chez nos voisins ibères au XVIIIe siècle, l’espagnolette est souvent confondue avec la crémone. Ces deux « dames » se sont en effet longtemps disputé la vedette, à tel point que le quidam les confondait, appelant volontiers une crémone une espagnolette, et inversement. Pourtant, ces objets ne sauraient être confondus : l’espagnolette, composée d’une tringle avec une poignée, est attachée à l’un des montants du châssis de la fenêtre, avec au bout des crochets insérés dans des gâches. Tombée en désuétude, elle a pratiquement disparu de nos chaumières. Quant à la crémone, sans doute arrivée d’Italie du Nord au XIXe siècle, elle reste très populaire dans les grandes villes françaises, et notamment les immeubles de la capitale. Avec une poignée, on fait glisser sa tige métallique afin que ses extrémités s’insèrent dans les gâches du châssis dormant des fenêtres.

Un rôle mystérieux

C’est clair ? Pour un esprit aussi peu scientifique que le mien, qui souffre d’une phobie technique presque aussi forte que sa phobie administrative (même si, je vous rassure, je paie mes impôts et mes charges, moi !), pas vraiment. Mais qu’importe ! C’est plutôt le rôle joué par l’espagnolette dans la mort mystérieuse de Louis VI Henri Joseph de Bourbon-Condé, neuvième et dernier prince du nom, le 27 août 1830, qui m’intrigue. Un décès qui est non sans rappeler les conditions du passage de vie à trépas du leader et chanteur du groupe australien INXS, Michael Hutchence le 22 novembre 1997, et de l’acteur américain David Carradine le 3 juin 2009.

Une mort suspecte

Revenons au XIXe siècle, à l’aube de la monarchie de Juillet. Au matin du 27 août, dans le château de Saint-Leu, le corps du prince fut découvert pendu à l’espagnolette de la fenêtre de sa chambre, à l’aide de deux mouchoirs. Pourtant, ses deux pieds touchaient bien le sol. Âgé de soixante-quatorze ans, le vieil homme se serait-il risqué à la strangulation pour décupler ses sensations sexuelles ? Sa maîtresse, la baronne de Feuchères, de trente-quatre ans sa cadette, lui avait, paraît-il, fait goûter à des jeux érotiques, des plaisirs rares et apparemment dangereux pour le grand âge. Aurait-elle maquillé cette mort accidentelle en suicide ? Ou s’agit-il d’un crime crapuleux ? Seule l’espagnolette le sait.