Blog

Quadragénaire ou quarantenaire ? La langue est illogique parce qu’elle est vivante !

 

 

Peut-être l’avez-vous remarqué ? Dans les médias, on parle de plus en plus de « quarantenaire » en lieu et place du plus répandu et donc classique « quadragénaire »… Est-ce l’effet d’une lubie sémantique — on se souvient notamment du « pile poil », apparu dans les années 1990 — ou correct ? D’aucuns auraient tendance à classer ce terme dans la catégorie des néologismes et à s’en méfier. Voici quelques pistes pour s’y retrouver.

Un cordage de marine

Pour commencer, précisons que le mot « quarantenaire » n’est pas sorti de la petite tête de nos scribouillards (euh… journalistes) préférés. On en retrouve en effet la trace dès 1634, dans le monde de la marine. Une « corde de quarantenaire » servait ainsi à réparer d’autres cordages, entre autres. Puis c’est devenu un adjectif qualifiant une durée. Le jargon juridique s’en est ainsi emparé au XIXe siècle : la « prescription quarantenaire » était synonyme de réglementation courant sur quarante ans.

 

 

Isolement sanitaire

Un troisième sens fut donné à ce mot en 1858, cette fois dans le domaine de la santé. On parlait en effet de quarantenaire pour désigner une personne qui devait se mettre en quarantaine. À l’époque, toute personne malade d’une affliction grave (choléra, variole, etc.) devait s’isoler quarante jours durant. (Le néologisme « quatorzaine », entendu et lu maintes fois pendant la crise du Covid-19, vient évidemment de là.) Par conséquent, est-il vraiment juste, quand on entre dans la quarantaine — celle dû au passage des ans ! — d’être qualifié de quarantenaire ?

Victoire du quadragénaire

Mieux vaut donc réserver l’emploi du terme « quarantenaire » à la qualification d’une durée. On pourrait ainsi parler d’un film « quarantenaire » ou fêter le « quarantenaire » d’un monument, tout comme on dit « cinquantenaire » ou « centenaire ». Cependant, pour évoquer une personne ayant la trentaine, ne dit-on pas « trentenaire » ? Idem pour le centenaire, autrement dit l’être humain qui a soufflé ses cent bougies d’existence terrestre. Vous le voyez, la langue manque parfois de logique, mais c’est l’un des signes de sa grande vivacité !