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Au temps ou autant pour moi ? Les deux, mon général !
 

 

D’un côté, il y a ceux qui sont persuadés que l’expression « au temps pour moi » s’écrit bien en deux mots, avec le nom commun « temps » (et non l’adverbe « tant »). De l’autre, les partisans du plus populaire « autant pour moi » s’échinent à défendre cette orthographe-là. Qui a raison ?

Une étymologie militaire

Ce qui est certain, c’est qu’à l’origine, « au temps pour moi » vient de l’injonction militaire « au temps ! », employée pour structurer des exercices militaires ou de gymnastique qui se faisaient en plusieurs temps, entre lesquels s’intercalaient des pauses. D’où d’ailleurs une autre expression familière, « en deux temps trois mouvements » !

Par conséquent, quand un soldat venait à se tromper dans l’exécution d’un mouvement, son supérieur vociférait « au temps ! », et tout le monde devait reprendre au début. On retrouve cette façon d’exprimer un ratage dans de nombreuses pages de la littérature française.

Un mea culpa

Si tout le monde s’accorde pour accepter cette origine militaire, comment expliquer l’ajout de « pour moi » ? Eh bien « au temps pour moi » est devenu une autre façon de dire « c’est à reprendre », autrement dit reconnaître qu’on s’est trompé et recommencer là où l’erreur s’est produite.  

L’Académie française retient bien cette graphie-là, même si elle admet l’existence et surtout la popularité de « autant pour moi ». Et bonne nouvelle pour les fans de cette version-là, la vénérable institution ne la condamne pas, se contentant de préciser qu’elle ne se justifie pas.

Un soutien de poids

Justement, comment les adeptes de « autant pour moi » motivent-ils leur choix ? En son temps déjà, le pape des grammairiens, le Belge Maurice Grevisse, avait évoqué la possibilité que la graphie « au temps » soit en réalité une déformation de « autant ». D’autres illustres linguistes lui ont emboîté le pas. C’est là une caution de poids !

En outre, la mention la plus ancienne dans un texte francophone de « autant pour… » date de 1640 ! Cependant, cette expression n’a été employée de nouveau que près de quatre cents ans plus tard, mais avec la graphie « au temps », sous la plume notamment de Roland Dorgelès… Alors, comme vous pouvez le constater, tout le monde a raison ! Même les YouTubeurs de Linguisticae en conviennent…