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Bataclan

 

 

Ba-ta-clan. Les trois syllabes de ce mot bizarre sonnent désormais comme les détonations mécaniques et froides d’une rafale de balles tirées avec une kalachnikov. Mais avant de devenir le symbole du deuil d’une génération particulièrement touchée pendant la tragique soirée du 13 novembre 2015, Bataclan fleurait bon les ambiances de fête typiquement parisiennes. Que signifie réellement ce terme qui semble venu de nulle part ? Il s’agit sans doute d’une onomatopée que l’on pourrait traduire par « attirail embarrassant, insolite, barda, fourbi ». Ses sonorités sont censées imiter le bruit d’objets qui tombent ou que l’on déplace. L’expression « Et tout le bataclan », attestée depuis 1761, est synonyme de « et tout le reste ».

Déjà les bobos…

Il y a cent soixante ans, le 29 décembre 1855, le compositeur Jacques Offenbach offrait au public de son théâtre des Bouffes Parisiens une « chinoiserie » musicale en un acte, nommée justement Ba-Ta-Clan. Ironique et caustique, ce spectacle truffé de passages en charabia se moquait de l’entichement des bobos de l’époque pour tout ce qui était oriental. L’histoire ? Trois personnages aux noms qui « sonnent » chinois prétendent être des mandarins. Au final, ils s’avouent être… français. Comme souvent dans l’œuvre d’Offenbach, la satire n’est pas loin : un quatrième personnage, un rustre qui ambitionne de prendre le pouvoir, est une caricature à peine cachée de Napoléon III, à l’époque à la tête du pays.

 

Inspiration chinoise

Près de dix ans plus tard, le 3 février 1865, la salle de spectacle éponyme était inaugurée boulevard Voltaire, œuvre de l’architecte Charles Duval. Au départ, il s’agissait d’un café-concert à l’architecture d’inspiration chinoise, avec son toit en forme de pagode et son rideau de scène façon éventail : café et théâtre au rez-de-chaussée, dancing au premier étage. Sans oublier une salle de billard. Après des débuts difficiles, le lieu accueillit des spectacles de music-hall avec succès. Mistinguett et Maurice Chevalier y firent leurs débuts dans une revue en 1917.

Survivre à l’horreur

En 1926, le Bataclan devint un cinéma, puis de nouveau un théâtre, alternant entre les deux. En 1933, un incendie le détruisit en partie. Douze ans plus tard, le bâtiment fut partiellement démoli pour respecter de nouvelles normes de construction. En 1969, il ferma ses portes pour les rouvrir en 1983, de nouveau en tant que salle de spectacle. Le post-punk y vécut ses plus belles nuits. En 2006, la façade retrouva enfin ses couleurs d’origine : jaune, vermillon et vert d’eau.

Après l’horreur du 13 novembre, quel fut l’avenir de ce fleuron des salles parisiennes ? Le Bataclan, inscrit à l’inventaire des monuments historiques, semble survivre au cauchemar qui a profondément entaché son nom si singulier.